"Up above the world I fly, like a tea tray in the sky"

Bienvenue dans mon humble demeure. Essuyez-vous les pieds en sortant.

mardi, avril 27, 2010

Mayday Mayday

Si la question de l’avortement est de nature à engendrer des débats passionnés dans les sociétés occidentales, je me demande si je n'aurais pas dû commencer par le 3)b) du grand II, parce que sinon comment expliquer que je n'ai pas parlé de la politique sociale du Sinn Féin ? Je vais me répéter et puis ça fera bizarre, d'autant plus que je me présente déjà les grandes lignes de leur politique en introduction - sachant que je ne travaille pas sur eux - ah ça risque de faire trop là. Non bon je vais continuer un peu, on verra bien ce que ça donne.

Si la question de l'avortement est de nature à engendrer des débats passionnés, pff, c'est lourd, c'est pesant, pachydermique, en plus cette phrase n'apporte rien d'intéressant, un lieu commun, et que j'enfonce les portes ouvertes, et joyeusement en plus ! Oui mais comment introduire cette putain d'idée sans une phrase à la noix grmmblll réfléchissons, réfléchissons.

Si la question de l'avortement tiens je n'ai pas de nouveaux mails depuis 7 minutes, voyons voir cette autre adresse, et puis celle-là aussi, celle-ci je ne reçois jamais rien mais sait-on jamais... ah non, rien, c'est pas grave.

Si la question, tiens, il fait super beau dehors, ça faisait longtemps, j'irai bien me promener un peu, juste une heure comme ça, et puis ça me fera du bien, oh et puis je prendrai quelques photos et puis tiens je marcherai jusqu'à là, je me suis toujours promis d'y aller quand il ferait beau et il fait beau, pour une fois.

...

Si la non finalement ça ne va pas, je vais plutôt passer au I 2)a), mes idées sont plus structurées, et puis c'est plus logique aussi.

Autre point d’achoppement essentiel entre socialisme et identité protestante, la religion a pourtant souvent ah nan c'est nul, ça ne va pas je dois//

END OF TRANSMISSION

mardi, février 09, 2010

If you can hear a piano fall, you can hear me coming down the hall

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Je crois que ma boulangère est follement amoureuse de moi. Il y a de ces signes qui ne trompent pas. Depuis quelque temps déjà j’avais remarqué son petit manège, ses regards légèrement ironiques lancés à mon encontre, cette légère moue non moins ironique lorsque je prononçais « une baguette s’il vous plaît » d’une voix grave et posée. Les choses se sont accélérées. Maintenant, cela doit faire deux semaines, elle me prépare une baguette dès qu’elle m’aperçoit, et je n’ai plus qu’à dire merci. Je trouve celà profondément déplaisant. Serais-je si banalement prévisible ? Sans soute. Pourtant je fais des efforts. Lorsque je débarque à la bibliothèque, j’essaie de ne pas m’asseoir à la même place que la fois précédente, c’est parfois difficile de résister à l’attraction de l’aimant, mais je le fais bien souvent. Les affres de l’habitude. Est-ce qu’elle s’en rend compte ma boulangère qu’elle me prive d’un pan de liberté, d’indécision, d’incertitude quant au choix de mon pain ? Ah oui, et puis ah oui je l’avais oublié celle-là, un autre glorieux épisode de ma vie. Dans cette même boulangerie, il y a des mois de cela, ou peut-être pas tant que ça, je venais de payer ma baguette et je m’étais pris la vitre fenêtre en pleine face – enfin en plein genou, en pleine face de genou - en croyant que celle-ci était ouverte. Parce qu’elle est ouverte d’habitude. L’habitude. Et puis elle était bien propre la vitre. Vous n’imaginez pas à quel point on se sent con dans ces moments là, cela n’arrive pas que dans les films. J’avais bredouillé je ne sais même plus quoi, un truc ridicule, tentant tant bien que mal de conserver ce qui me restait de dignité, et puis j’avais quitté la boulangerie, par la porte cette fois, avant de rentrer chez moi et de pleurer à chaudes larmes sur le monde et son injustice.

J’hésite parfois à demander autre chose qu’une baguette, rien que pour retrouver – si ce n’est ma fierté, ma fierté, ma fierté – du moins l’illusion de ma liberté. Ce bon vieux Libre Arbitre. Un pain de campagne. Tranché s’il vous plaît. Oh non, pas tranché finalement. Oui, ce sera tout oui. Ah non, je vais prendre un pain au chocolat aussi (même s’ils sont vachement chers), désolé je ne sais pas où j’ai la tête aujourd’hui, aujourd’hui. Merci. Voilà, au revoir !

Et pendant qu’au-dessus de ma tête se meurent des milliers étoiles et que des comètes filent et filent à toute allure je pourrai repartir d’où je viens, voire même autre part, une diffuse impression de liberté s’écoulant peu à peu le long de mes veines, artères et autres capillaires. Faire de chaque jour un jour différent quoi. Et tout cela grâce à ma boulangère à moi.

dimanche, janvier 24, 2010

Amo Bishop Roden


Jeudi 15 août 1867 :

Le patron, dont l'état ne semblait pas s'être amélioré sous l'effet de la boisson, et qui avait passablement perdu l'esprit, ne cessait quant à lui de venir nous trouver pour nous serrer la main et nous assurer de son amitié.

Mercredi 4 septembre 1867 :

Nous avons ensuite repris la route pour Giessen où nous sommes descendus au "Rappe" pour la nuit et où nous avons demandé à un serveur qui parlait anglais qu'on nous serve le petit déjeuner de bonne heure.
"Du café ! s'exclama-t-il avec délice, s'emparant de ce mot comme s'il s'agissait d'une idée totalement neuve, Ah ! du café, excellent. Et des œufs. Du jambon avec vos œufs ? Excellent."
"S'il est possible de les avoir brouillés" demandai-je.
"Bouillis ?" reprit le serveur avec un sourire incrédule.
"Non, pas bouillis, expliquai-je, brouillés." Le serveur écarta cette distinction secondaire :
"Oui, oui, du jambon", reprit-il, revenant à son idée de prédilection.
"Oui, fis-je, du jambon. Mais cuit comment ?" "Oui, oui, cuit comment ", répliqua le serveur de l'air négligent de celui qui acquiesce à une proposition plus par gentillesse que par conviction véritable.

Que dire sinon que certains avaient déjà tout inventé ? Lewis Carroll en voyage en Europe, entre Prusse et Russie, loin de ses amies-enfants et des conventions oxoniennes, ou oxfordiennes, je ne sais pas ce qu'il faut dire exactement.

J'admire les gens passionnés, particulièrement les passions étranges ou stupides, insignifiantes ou farfelues. Oui, surtout les passions farfelues, les marottes, les fixations et autres lubies, les trucs et machins improbables qui ajoutent du charme à la vie. Et Boards of Canada aussi.

mardi, janvier 05, 2010

Leçon de choses édifiante

C'était un dimanche, un dimanche soir. Non jamais je n'ai fait confiance à ma mémoire mais je vous le jure, c'était un dimanche soir. Un dimanche soir si semblable à tous les dimanches soir, un imperceptible parfum de nostalgie se mêlant aux effluves de poireau de midi. J'avais faim. Après une rude journée de labeur passée à lire et relire la Fondation de la métaphysique des moeurs d'Emmanuel Kant, en allemand bien entendu, Grundegung zur Metaphysik der Sitten, je ne peux décidément pas m'en lasser ; je décidai de m'autoriser une pause aussi bien récréative que gastronomique. Après avoir consulté du regard mes ustensiles de cuisine divers et variés, j'optai non sans discernement pour ma toute récente cocotte minute(r), fleuron de notre industrie, renommée jusque par delà les lointains sommets de l'Oural, fierté nationale s'il en est.

Tout en parcourant distraitement la nouvelle traduction des Entretiens de Confucius – traduction qui, je le crains, pêche par une fâcheuse tendance à privilégier la poésie du texte au détriment parfois du sens profond de certains aphorismes – je feuilletais brièvement le manuel d'utilisation de ladite cocotte minute(r). D’une simplicité désarmante, celui m’enjoignait de faire bouillir une solution à base de bicarbonate de soude avant toute utilisation de l’appareil. J’entrepris donc de le faire tout en déclamant presque malgré moi le premier chant de Maldoror. A ma grande déception, je m’aperçus que mon modèle était défectueux lorsque je remarquai que la vapeur d’eau s’échappait de la cuve au lieu de la soupape. Ni une ni deux je me ruai sur mon téléphone cellulaire et appelai le service consommateur responsable de la vente des produits de la marque et passai un savon à mon interlocuteur avant de réaliser que suite au schéma bien trop abscons dessiné sur la notice, j’avais malencontreusement vissé le couvercle de la cocotte dans le mauvais sens. Acceptant les excuses de l’employé au bout du fil, je repris mon occupation et bientôt j’avais fini de nettoyer la cocotte. Je pouvais enfin me consacrer à la cuisson de pommes de terre à la vapeur, tâche que j’entrepris de réaliser après avoir consulté et réfléchi sur les arguments en faveur du contrat d’obéissance conditionnelle de Philippe Duplessis Mornay dans son Vindiciae contra tyrannos. Les pommes de terres dûment épluchées et coupées en deux, je les plaçai dans le panier vapeur puis tournait le couvercle jusqu’à son blocage, dans le bon sens cette fois, non sans avoir pris soin de rectifier le schéma explicatif à l’aide d’un croquis attenant. Dix minutes plus tard je décidai de jeter un œil aux féculents pour constater que la cuisson était insuffisante. Je renouvelai cette expérience cinq minutes plus tard pour m’apercevoir que non, les pommes de terre n’étaient toujours pas cuites, peu importe le déluge de vapeur qui s’échappait de la cocotte et menaçait de faire exploser mon immeuble. « Qu’importe ! m’exclamai-je dans une subtile parodie de Bossuet, je saurai attendre mon heure et mon heure saura m’attendre ! ». Je fis donc le choix d’attendre dix minutes de plus, temps que je passai à réviser les déclinations latines et ma table de 76. Une fois les minutes écoulées, je me rendis d’un pas fiévreux vers ma cocotte et la main fébrile, je dévissai le couvercle. Et là, ô miracle, ô mystère insondable et indicible, ô lumineux Disque Solaire omniscient ! Les pommes de terre étaient trop cuites.

C’est décidé, je ne mange plus que des nouilles.

lundi, janvier 04, 2010

Bouh j'ai foid aux pieds je déteste ça

Ce matin dans le bus, ah le bus, ah le bus. Discussion post-réveillonesque entre deux charmants damoiseaux :

"- Yavait des noix de St-Jacques aussi. J'aime vraiment pas ça les noix de St-Jacques.
- Oh moi de toute façon j'aime pas les noix..."

LOL

le soir du 31 c'était différent, j'étais dans le métro et il y avait un mec résolument défoncé en face de moi (ce genre de mecs se débrouillent toujours pour s'asseoir juste en face de moi dans le métro, toujours) et pendant tout le temps du voyage, un temps assez conséquent, il répétait inlassablement ces deux phrases : un truc ressemblant à "C'est Patrick Sébastien pour le cabaret du 31 !!" suivi de "et reprendre votre soja POURRI !!" avant de s'écrouler de rire à chaque fois. Quand je dis s'écrouler je devrais plutôt dire se plier en deux, car il était véritablement plié en deux, je veux dire LITTERALEMENT plié en deux, le fait qu'il parvienne à rester sur son strapontin tenait de la prouesse herculéenne. Bon j'ai bien sûr fait genre voilà quoi, blasé on me la fait pas à moi tu peux pas test et puis je suis sorti ou il est sorti de la rame.

Moralité : Il y a vraiment des gens sympas en France.

mercredi, décembre 30, 2009

For the Snark was a boojum, you see.


A Adélaïde Payne


Un jour
Christ Church, Oxford, le 8 mars 1880


A marquer
Ma chère Ada,
(N'est-ce pas là votre diminutif ? "Adelaïde", ce n'est pas mal du tout, mais vous comprendrez que lorsqu'on est très occupé, on n'a pas le temps d'écrire des mots aussi longs que celui-ci. Surtout lorsqu'il faut une demi-heure pour s'en rappeler l'orthographe et lorsque, dans ce cas même, il faut aller chercher un dictionnaire pour s'assurer que l'on a pas fait de faute. Or, bien entendu, le dictionnaire est rangé dans une autre pièce, tout en haut d'une grande bibliothèque où il se trouve depuis des mois et des mois, de sorte qu'il est tout couvert de poussière ; si bien qu'il faut aller chercher un torchon pour l'essuyer et qu'on manque suffoquer en procédant à cette opération. Et lorsque enfin l'on est parvenu à distinguer ce qui est dictionnaire de ce qui est poussière, encore faut-il se rappeler si c'est au commencement ou à la fin de l'alphabet que se trouve la lettre "A" - car on est à peu près certain que ce n'est pas vers le milieu. Puis il faut , avant de feuilleter les pages, s'aller laver des mains que la poussière a rendues méconnaissables. Et il y a bien des chances pour que le savon ait disparu, pour que le pot à eau soit vide et que la serviette de toilette soit absente ; pour que l'on passe des heures et des heures à chercher tous ces objets, après quoi il ne restera probablement pas d'autre solution que d'aller chercher une autre savonnette dans quelque boutique - c'est pourquoi, après tous ces ennuis, j'espère que vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que j'abrège votre prénom et vous appelle "ma chère Ada".) Vous m'aviez dit, dans votre dernière lettre, que vous aimeriez avoir mon portrait : le voici donc ci-joint. J'espère qu'il vous plaira. Je ne vous manquerai pas de vous rendre visite l'avant-dernière prochaine fois que je viendrai à Wallington.


D'une pierre blanche
Votre ami très affectionné


Lewis Carroll

mardi, novembre 17, 2009

Mon mal vient de plus loin


C'est désarmant les gens qui meurent alors qu'ils sont jeunes. C'est moche, c'est moche la mort. On devrait interdir aux gens de mourir avant leurs parents, parce que sinon, comment croire en quoi que ce soit ? Déjà qu'on ne croit pas en grand chose, alors si en plus les parents doivent faire le deuil de leurs enfants on ne peut pas s'en sortir, on ne peut pas vraiment s'en sortir, on ne s'en sort pas.

lundi, août 31, 2009

Tout est calme, ou presque


Elle grimace et me glisse que Londres c'est vraiment "too cosmopolitan", je ne sais quoi répondre à cela mais peu importe, elle est partie sur autre chose. Mais je l'aime bien quand même. C'est fou ce que les gens sont complexes, c'est trop compliqué, il devrait y avoir les gros cons d'un côté, et les gens biens de l'autre, et pas ces espèces d'hybrides inclassables dont on ne sait trop quoi penser. Scarlett vient de partir. Scarlett c'est une choupinette de même pas deux ans avec une bonne bouille qui se met à pleurer dès qu'elle me voit, quoi que je fasse.
In the golden afternoon
Depuis quelques jours il y a un chinois qui traine au quatrième étage, ou peut-être un japonais, oui je pense que c'était un japonais. La cinquantaine, pantalon de costume bleu marine, chemise blanche avec trois crayons dans la poche, lunettes au nez et tempes grisonnantes, il ne se sépare jamais de son sac à dos noir. Il erre entre les rayons, choisit quelques livres, je crois que ce sont principalement des pièces de théâtre, puis il en fait quelques photocopies. Parfois il joue avec son Iphone. Bref, il a l'air de bien se faire chier. A moins qu'il ne soit un espion ? Ou un touriste perdu, n'ayant pu rejoindre son car à temps ? Je ne sais pas, mais il s'en passe des choses ici.
Hmm
Il y a aussi des chercheurs, visages fermés et post-it en pagaille, pauses cafés et pianotement sur clavier sur les uns, gribouillis indéchiffrables au stylo bic pour les autres. Je préfère de loin ces derniers parce que les vieilles biques qui tapent sur leur clavier comme des bûcheronnes moi ça me rend fou, pourtant je n'ai rien contre les vieilles biques, loin s'en faut.
Certes.
Il y a même des touristes dans cette bibliothèque, ils ne restent jamais bien longtemps, courants d'air d'imperméables souriants, d'appareils photo en bandoulière et d'air légèrement gênés d'être là où ils sont, de respirer le même air que nous les chercheurs qui travaillons, alors ils s'en vont et retournent se faire rincer dehors. Il y a aussi une mamie tout de rose vêtue qui prend des notes à l'aide d'un vieux crayon bleu. Elle murmure les mots qu'elle écrit, c'en est presque hypnotique.
Oui
Enfin bon voilà quoi, c'est presque la fin, encore une fois.

vendredi, août 21, 2009

Parity of esteem


Chaque soir à mon retour à la maison, je suis accueilli par cette phrase : Did you get a lot of work done today? Et je ne sais jamais trop quoi répondre. Alors je réponds je ne sais trop quoi.

N’allez pas croire que la Linen Hall Library n’est faite que de vieilles pierres et de bois car ce n’est pas vrai, c’est même inexact pour ne pas dire globalement faux. La Linen Hall Library n’est donc pas la bibliothèque de mes rêves mais je l’aime bien quand même, et c'est finalement ça le plus important.

Je n’ai jamais vu de temps aussi versatile qu’ici, c’est incroyable, on ne sait où donner de la tête. Je lève les yeux, soleil éclatant, resplendissant de majesté, à peine le temps de les baisser que déjà il pleut, averse monstrueuse ou torrentielle, je détourne le regard pour bientôt sentir la chaude caresse du soleil, nuages percés de lumière éblouissante, presque irréelle, mais aussitôt l'averse s'abat de nouveau, trombes d'eau se déversant sur des milliers de parapluie, déluge de pluie comme pour rincer les rues des litres de sang versé, 1521 morts de 1969 à 2001, certainement plus depuis, de quoi repaître un vampire pour une ou deux éternités.
Lame
Belfast. Plus de 1500 morts donc, en trente ans de conflit mais des gens qui font la queue pour attendre le bus, tranquillement, sans trop se bousculer ou se piquer la place. Si l’on reste dans le centre ville, ce qui est ma foi mon cas, il est presque impossible de s’imaginer la violence insensée qui a marqué le quotidien de cette ville pendant toutes ces années. Des manifestations de haine pure, sans nuage de lait ou de sucre pour l'adoucir, c’est effrayant, vraiment effrayant, je vous passe les détails, j’ai lu des choses que je ne suis pas prêt d’oublier, nauséabond, inconcevable. La haine bordel. Tout n’est pourtant pas fini, même dans le centre ville moderne et bien sapé, repu de subventions européennes, les dernières alertes à la bombes remontent au mois de mars 2009, et il y en aura d'autres. Il est temps de tourner la page, de changer d'habits, nouvelle teinture, nouvelle respectabilité, mais il y a des détails qui ne trompent pas, tant de choses qui persistent, le Diable n'est-il pas supposé se cacher dans les détails ?
Des détails donc
Il y a une ou deux semaines nous sommes descendus à Dublin, Baile Átha Cliath, afin d’assister à un quart de finale de football gaélique entre les comtés de Meath et de Mayo et à une demi-finale de hurling entre les comtés de Kilkenny et de Waterford. Croke Park Stadium, 80000 places asises, le temple du sport gaélique. 63000 spectateurs pour ces deux matches, un truc de fou, des familles et des familles, du grand-père au bout de chou, tous bardés des couleurs de leur comté, dans une ambiance chaleureuse, c’était bien. Croke Park et la Gaelic Athletic Association, qui interdisait jusqu'à peu à ses membres de jouer à des sports anglais, rugby ou football. Nous y sommes allés. Nous c’était moi et lui, enfin un autre lui, nous l’appellerons T., et T. il est protestant. Et le nombre annuel de protestants qui assistent à des matches gaéliques il ne doit pas dépasser le nombre de doigt d’une gueule-cassée. Car oui, tout divise ici, tout divise. Si tout le monde joue au football – car le football est un sport universel, un langage planétaire, un exemple unique au monde de contre-américanisation – il y a autant de catholiques qui jouent au cricket ou de protestants qui pratiquent le hurling que de compassion dans le cœur de Jean-Marie Le Pen. Tout divise, du moins presque tout. La religion la politique la culture le territoire le sport l’éducation mais où va-t-on ? Même mes mots que l’on emploie divisent, Derry/Londonderry, 6 counties/Ulster, quoique l’on fasse on est amené à prendre partie, obligé, il est presque imposible de rester en équilibre sur le grand mur de brique rouge qui sépare les deux communautés, avec ses rouleaux de fil barbelés et ses inscriptions délavées, c’est bien trop glissant, vraiment casse-gueule, on ne peut pas résister éternellement, on tombe de l’un ou de l’autre côté, fatalement.
Tout de même
Mais tout n’est pas perdu non, tout n’est pas perdu. Il y a ce jeune homme à l’accueil du troisième étage, juste sympa, pas sympa dans le sens sympa, mais sympa dans le sens bien, empathique, bien, quelqu’un de bien, de sympa quoi, alors on reprend espoir, ou on n'en reprend pas, c'est au choix.

mercredi, août 19, 2009

Hebdromadaire


Il regarde le golf à la télévision, elle est pendue au téléphone, je mange une pomme, tout va bien. Dehors il fait vert et gris, presque nuit. Il y a Timmy qui s’est mis à miauler dans la cour, de ses longs miaulements mécontents. Timmy faut pas le faire chier. La semaine dernière il a dévoré un oisillon en entier en moins de deux minutes, faut vraiment pas le faire chier. J’ai inventé un procédé révolutionnaire de photographie, dont le résultat révolutionnaire s’affiche ci-dessus devant vos yeux (ébahis). C’est le paradis des araignées ici, de grosses araignées aux pattes longues et velues qui déambulent le long des murs sitôt le soleil couché. Et le soleil se couche tôt, bien trop tôt, on se croirait en novembre. J'exagère un peu, mais pas trop.
Tranche de quiche
La nuit dernière j’ai rêvé que mon petit frère était mort. Mon petit frère, âgé de 6 ou 7 ans, petite bouille auréolée de cheveux bruns. Je m’en souvenais parfaitement à mon réveil. Bon le truc c’est que je n’ai pas de petit frère. Alors rêver de la mort de son petit frère quand on n’a pas de petit frère c’est assez étrange. Je n’étais pas dévasté, juste triste, triste de ne pas l’avoir connu davantage. Mon petit frère qui n’existe pas.

Je passe mes journées à la bibliothèque, à la Linen Hall Library, entre le deuxième et le troisième étage, et le quatrième aussi. J'aime les bibliothèques, surtout celles de pierre et de bois dont les murs renferment secrets et mystères et certainement bien plus encore. Au quatième étage il y a des rayons en bois plein de livres, rien de bien original, mais il n'y a pas que ça, il y a des tables en bois agrémentées de jolies lampes vertes, une moquette bleue à motifs losangés beiges d'un âge certain recouvrant un parquet grinçant, mais il y a surtout un fauteuil, un vieux fauteuil fatigué, bleu lui aussi, dans lequel on peut d'affaler plus ou moins mollement si le coeur nous en dit, le coeur m'en dit souvent le midi, lors de ma pause obligatoire parce que la Political Collection est fermée de treize à quatorze heures. Si jamais je m'ennuie je m'occupe à regarder les gens et à deviner s'ils sont catholiques ou protestants, c'est vraiment beaucoup plus dur que vous ne le pensez, c'est même presque impossible dans une bibliothèque. Dehors encore, dans la rue, c'est plus facile, on peut s'aider des maillots de football, celui blanc rayé de vert du Celtic Glasgow désignant à coup sûr un catholique alors que celui bleu des Glasgow Rangers ou du FC Linfield sera automatiquement porté par un protestant. Il y a aussi les maillots de football gaélique, pour les catholiques, mais à part ça il n'y a pas grand chose d'autre comme indices. Alors dans une bibliothèque vous imaginez, c'est encore plus dur. Donc je cherche, je cherche et je réfléchis, cela fait passer le temps dans mon fauteuil bleu un peu trop grand.