"Up above the world I fly, like a tea tray in the sky"

Bienvenue dans mon humble demeure. Essuyez-vous les pieds en sortant.

mardi, janvier 05, 2010

Leçon de choses édifiante

C'était un dimanche, un dimanche soir. Non jamais je n'ai fait confiance à ma mémoire mais je vous le jure, c'était un dimanche soir. Un dimanche soir si semblable à tous les dimanches soir, un imperceptible parfum de nostalgie se mêlant aux effluves de poireau de midi. J'avais faim. Après une rude journée de labeur passée à lire et relire la Fondation de la métaphysique des moeurs d'Emmanuel Kant, en allemand bien entendu, Grundegung zur Metaphysik der Sitten, je ne peux décidément pas m'en lasser ; je décidai de m'autoriser une pause aussi bien récréative que gastronomique. Après avoir consulté du regard mes ustensiles de cuisine divers et variés, j'optai non sans discernement pour ma toute récente cocotte minute(r), fleuron de notre industrie, renommée jusque par delà les lointains sommets de l'Oural, fierté nationale s'il en est.

Tout en parcourant distraitement la nouvelle traduction des Entretiens de Confucius – traduction qui, je le crains, pêche par une fâcheuse tendance à privilégier la poésie du texte au détriment parfois du sens profond de certains aphorismes – je feuilletais brièvement le manuel d'utilisation de ladite cocotte minute(r). D’une simplicité désarmante, celui m’enjoignait de faire bouillir une solution à base de bicarbonate de soude avant toute utilisation de l’appareil. J’entrepris donc de le faire tout en déclamant presque malgré moi le premier chant de Maldoror. A ma grande déception, je m’aperçus que mon modèle était défectueux lorsque je remarquai que la vapeur d’eau s’échappait de la cuve au lieu de la soupape. Ni une ni deux je me ruai sur mon téléphone cellulaire et appelai le service consommateur responsable de la vente des produits de la marque et passai un savon à mon interlocuteur avant de réaliser que suite au schéma bien trop abscons dessiné sur la notice, j’avais malencontreusement vissé le couvercle de la cocotte dans le mauvais sens. Acceptant les excuses de l’employé au bout du fil, je repris mon occupation et bientôt j’avais fini de nettoyer la cocotte. Je pouvais enfin me consacrer à la cuisson de pommes de terre à la vapeur, tâche que j’entrepris de réaliser après avoir consulté et réfléchi sur les arguments en faveur du contrat d’obéissance conditionnelle de Philippe Duplessis Mornay dans son Vindiciae contra tyrannos. Les pommes de terres dûment épluchées et coupées en deux, je les plaçai dans le panier vapeur puis tournait le couvercle jusqu’à son blocage, dans le bon sens cette fois, non sans avoir pris soin de rectifier le schéma explicatif à l’aide d’un croquis attenant. Dix minutes plus tard je décidai de jeter un œil aux féculents pour constater que la cuisson était insuffisante. Je renouvelai cette expérience cinq minutes plus tard pour m’apercevoir que non, les pommes de terre n’étaient toujours pas cuites, peu importe le déluge de vapeur qui s’échappait de la cocotte et menaçait de faire exploser mon immeuble. « Qu’importe ! m’exclamai-je dans une subtile parodie de Bossuet, je saurai attendre mon heure et mon heure saura m’attendre ! ». Je fis donc le choix d’attendre dix minutes de plus, temps que je passai à réviser les déclinations latines et ma table de 76. Une fois les minutes écoulées, je me rendis d’un pas fiévreux vers ma cocotte et la main fébrile, je dévissai le couvercle. Et là, ô miracle, ô mystère insondable et indicible, ô lumineux Disque Solaire omniscient ! Les pommes de terre étaient trop cuites.

C’est décidé, je ne mange plus que des nouilles.

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